Lettre de juillet 1838 du consul Anatole Brenier au ministre des Affaires étrangères Mathieu
Molé, à propos du voyage du tsar dans le royaume de Pologne
Classement : histoire des relations franco-polonaises ;
documents
Thème : royaume
de Pologne
Je transcris ci-dessous le texte d’un document du Centre des
Archives diplomatiques de Nantes, inclus dans les archives du poste de
Varsovie, fonds 722 PO/1, dossier 1 (1828-1838), cinquante-huitième document.
Présentation
Le consul décrit assez longuement le royaume de Pologne après
la fin du séjour de Nicolas 1er à Varsovie : opinion de la « société
polonaise » ; état de l’armée russe…
Il s’agit d’un brouillon, particulièrement embrouillé :
les deux colonnes des pages sont presque entièrement occupées, par le texte « normal »
et par des ajouts en marge.
Texte
Les sauts de lignes dans l'original sont indiqués par le
symbole « / ».
Les astérisques sont des appels de
notes.
« N° 15
[colonne 2]
Mr le comte
Le mécontentement des / mauvais procédés
de l’Empereur / Nicolas* envers la Ville de / Varsovie s’est accru depuis
après / son départ au point que les / dames Polonaises et plusieurs personnages
/ de la société ont refusé de se / rendre à la fête donnée le 7 par le Maréchal
Paskewitsch* / pour célébrer le jour de naissance / de S. M. Ile. Je
ne crois pas / que cette démonstration soit [ajout en marge, infra] / de longue
durée, mais elle aura / peut-être pour résultat d’inspirer / aux Russes un peu
d’estime / pour une société qu’ils étaient / accoutumés à humilier et à /
maltraiter. Je ne sais si celle-ci / n’est pas descendue trop bas pour /
pouvoir jamais se relever. Elle / n’a Après la / révolution* les Polonais /
n’ont pas compris tout ce qu’il y / avait de force et de dignité dans / les
malheurs glorieux ; ils se sont / abaissés agenouillés devant un
vainqueur qui / n’a pas n’avait pas assez de générosité pour / la
relever. La présence de / l’Empereur à Varsovie et le dédain qu’il a / affecté
pour les Habitants, pour
[ajout marginal, colonne 1]]
V Ex. n’attachera peut-être / pas
d’importance à cette démonston / mais, dans une ville un Pays
où les moyens de contrainte / imposés aux opinions, sont excessifs et /
redoutables. Cette silencieuse / protestation a produit beaucoup /
d’effet : l’amour propre blessé / des Polonais leur a fait faire / un acte
de courage. Ils ont / grand besoin de se relever dans / l’estime des
Russes ; devant les / quels ils se sont agen je ne sais si /
ce mouvement d’orgueil / national
réussira à leur rendre / l’estime la considération des vainqueurs, mais / il a
excité au plus haut degré / la colère du maréchal Paskewitsch. C’est depuis mon
séjour en Pologne, / la première fois que je vois la / société s’élever à la
hauteur de la dignité des / nobles des importants du Pays.
L’Empereur par sa conduite pendt
son séjour à Varsovie, par le dédain qu’il a [pour]
Feuillet 2
[colonne ]
leurs personnes et pour leurs /
intérêts a réveillé le sentiment / d’orgueil patriotique don je / n’avais
aperçu que de rares / symptômes depuis mon séjour en / Pologne. La conduite
de / S. M. Ile a donc été contraire / à son système
politique.xxxxxxxxx / L’Empereur a donc servi son ressentiment et non / la
Politique [>ajout marginal, infra]. xxxxxxxxxx
je ne sais si xxxxxxxxxxx
la vindicte Impériale / fera naitre dans les cœurs le sentiment / d’un
désespoir énergique / ou celui du découragement, mais / les malheurs matériels
du Pays en seront / certainement aggravés. On s’attendait / que les impôts
seraient diminués, / les tarifs de douane entre l’Empire / et le Royaume
abaissés, et surtout / que la capitation destinée à la / construction de la
citadelle* qui est / achevée, serait supprimée : l’Empereur n’a rien
accordé xxxxxx de sorte que le Pays s’appauvrit de plus en plus ; il entre
m’a-t-on dit, plus de / 60 millions de francs annuellement / dans le trésor de
l’Empire provenant des impôts Polonais. Cette exportation monétaire / qui
pourrait être si heureusement employée aux améliorations intérieures / que le
Pays réclame est une perte sans compensation.
[ajout marginal, colonne 2, suite
de « la Politique » ?]
Qui serait je crois de calmer /
les esprits au lieu de les aigrir. / Il a aigri augmenté l’aigreur des
esprits.
Quoiqu’il en soit, /
le Pays n’en sera pas / mieux
traité : on s’attendait à des dégrèvements d’impôts / à la suppression de
la capitation / pour la construction de la / citadelle qui est construite, / à
des aménagements xxxxxxxx nouveaux / pour les douanes, l’Empereur / n’a
rien accordé : il est / impossible que cet état de choses / dure
longtemps ; on m’a / affirmé qu’il entre annuellement / 90 millions de
florins* (50 millions de francs) dans le / trésor Russe produits par le /
surplus des impôts Polonais. Cette / exportation de numéraire est une perte
sans compensation pour le / Pays.
Feuillet 3
Les Personnes qui entourent / S.
M. Ile n’osant point la / contrarier dans ses penchants / haineux
pour la Pologne et le Mal Pask., dont l’influence le crédit /
est très grand, ne fait qu’obéir / en présence de l’Empereur. Le / Mal est
un homme de guerre / et n’a Je lui ai entendu dire / que la volonté de son
maître / était pour lui un ordre du / ciel. Voilà, m le Cte, en / quelles mains
est conduite / l’amon du Royme de Pologne, / avec des
intentions / généreuses le Mal Pask. n’essayera jamais d’attirer /
sur le Pays la clémence Impériale ; / il y serait disposé personnellement
/ qu’il en attendra les effets sans / les provoquer. Il n’y a donc / aucun
espoir que les rigueurs / de l’oppression cessent. Quelques / faveurs
particulières ne sont / point un adoucissement au / malheur général.
Un seul homme le Pce Kozloffski* a
été assez / courageux pour conseiller l’amnistie ; mais il n’a cédé qu’à
un mouvement / de conscience sans espoir de réussir.
[ajout en marge, perpendiculaire]
Quoique S. M. Ile ait
témoigné sa satisfaction de la tenue xxxxxxx du chef du 4e
Corps qu’Elle a passé en revue ; les / troupes sont loin d’être dans un
bon état : les généraux Russes se montent la tête sur les mérites de leur
/ et cherchent à dissimuler par des éloges exagérés les vices et les
faiblesses de les vices de son / organisation. La vénalité et les
concussions des chefs de corps et des colonels surtout contribuent / à
affaiblir laissent à peine au soldat la quantité de nourriture et les vêtements
indispensables nécessaires pour / se préserver de la faim et du
froid ; xxxxxxxxx le soldat est doux faible, maladif, épuisé par
les xxxxxxx exigences minutieuses de la discipline et du service ;
il obéit, sans autre sentiment que celui de la / crainte : la résignation
lui tient lieu de courage. Et leur sort est en général si misérable qu’il /
n’est pas rare de voir des soldats mendier. Les hôpitaux sont toujours encombrés ;
les fièvres et les / ophtalmies emportent un grand nombre de soldats. Le 4e
Corps, qui se compose de 40.000 hommes a actuellement / 7.000 malades, à
cela on répond mal soignés livrés aux spéculations honteuses des
administrateurs. A cela on répond / que la Russie est riche en hommes et
qu’elle
Feuillet 4
Les arrestations continuent. /Les xxxxxxxx
renfermés dans la / citadelle n’ont point été jugés : / on ignore même
s’ils sont encore / emprisonnés ou s’ils ont été / envoyés au Caucase ou en
Sibérie
Quelques indices feraient /
supposer que S. M. l’Empereur / Nicolas reviendrait bientôt à / Varsovie :
on a ordonné xxxx xxxxxx xxxxxxx des / chevaux de réquisition ont
été commandés sur la / route que l’Empereur vient de parcourir / pour sortir du
Royaume. »
Notes
*Anatole Brenier (1807-1885), consul de France à
Varsovie de 1837 à 1841. Voir la page La représentation diplomatique de la
France à Varsovie au XIXème siècle
*Mathieu Molé (1781-1855), ministre des Affaires
étrangères (et président du Conseil) du 6 septembre 1836 au 31 mars 1839
*l’Empereur Nicolas : Nicolas 1er (Nicolaï
Pavlovitch Romanov, 1796-1855), tsar de Russie et roi de Pologne après la
mort de son frère Alexandre 1er en 1825 ; couronné roi de
Pologne en 1829 à Varsovie
*le Maréchal Paskewitsch : Ivan Paskevitch (Ivan Fiodorovitch
Paskevitch, 1782-1856, en polonais Iwan Paskiewicz) ;
militaire russe, nommé maréchal en 1829 après le traité d’Andrinople entre la
Russie et la Turquie ; commandant de l’armée russe lors de la prise de
Varsovie en septembre 1831 ; nommé vice-roi (en polonais : namiestnik) du royaume de
Pologne (de 1831 à 1856) ; titré « comte d’Erevan »,
« prince de Varsovie »
*le jour de naissance / de S. M. Ile : le 6 juillet
1796 (selon le calendrier julien ; 25 juin selon le calendrier grégorien)
*la révolution : l’insurrection de 1830-1831
*la citadelle : construite à Varsovie dans les années 1830
*florin : nom utilisé à cette époque pour désigner le zloty
*le Prince Kozloffski : Pierre Kozlovski (Piotr Borisovitch Kozlovskiï/Пётр
Бори́сович Козло́вский, 1783-1840), diplomate et homme de lettres russe ;
en 1836, il est devenu membre du Conseil d’administration du royaume de Pologne (voir page 33)
Création : 8 décembre 2016
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques
Richard
Blog : Les
archives du consulat de France à Varsovie (1828-1851)
Page : D58
Lien : http://archivesvarsovie18281851.blogspot.fr/2016/12/1838-07-consul-ministre-royaume-de.html
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