jeudi 8 décembre 2016

D58. Juillet 1838 Lettre du consul au ministre (royaume de Pologne)

Lettre de juillet 1838 du consul Anatole Brenier au ministre des Affaires étrangères Mathieu Molé, à propos du voyage du tsar dans le royaume de Pologne


Classement : histoire des relations franco-polonaises ; documents
Thème : royaume de Pologne





Je transcris ci-dessous le texte d’un document du Centre des Archives diplomatiques de Nantes, inclus dans les archives du poste de Varsovie, fonds 722 PO/1, dossier 1 (1828-1838), cinquante-huitième document.

Présentation
Le consul décrit assez longuement le royaume de Pologne après la fin du séjour de Nicolas 1er à Varsovie : opinion de la « société polonaise » ; état de l’armée russe…
Il s’agit d’un brouillon, particulièrement embrouillé : les deux colonnes des pages sont presque entièrement occupées, par le texte « normal » et par des ajouts en marge.


Texte
Les sauts de lignes dans l'original sont indiqués par le symbole « / ».
Les astérisques sont des appels de notes.

« N° 15

[colonne 2]
Mr le comte
Le mécontentement des / mauvais procédés de l’Empereur / Nicolas* envers la Ville de / Varsovie s’est accru depuis après / son départ au point que les / dames Polonaises et plusieurs personnages / de la société ont refusé de se / rendre à la fête donnée le 7 par le Maréchal Paskewitsch* / pour célébrer le jour de naissance / de S. M. Ile. Je ne crois pas / que cette démonstration soit [ajout en marge, infra] / de longue durée, mais elle aura / peut-être pour résultat d’inspirer / aux Russes un peu d’estime / pour une société qu’ils étaient / accoutumés à humilier et à / maltraiter. Je ne sais si celle-ci / n’est pas descendue trop bas pour / pouvoir jamais se relever. Elle / n’a Après la / révolution* les Polonais / n’ont pas compris tout ce qu’il y / avait de force et de dignité dans / les malheurs glorieux ; ils se sont / abaissés agenouillés devant un vainqueur qui / n’a pas n’avait pas assez de générosité pour / la relever. La présence de / l’Empereur à Varsovie et le dédain qu’il a / affecté pour les Habitants, pour

[ajout marginal, colonne 1]]
V Ex. n’attachera peut-être / pas d’importance à cette démonston / mais, dans une ville un Pays où les moyens de contrainte / imposés aux opinions, sont excessifs et / redoutables. Cette silencieuse / protestation a produit beaucoup / d’effet : l’amour propre blessé / des Polonais leur a fait faire / un acte de courage. Ils ont / grand besoin de se relever dans / l’estime des Russes ; devant les / quels ils se sont agen je ne sais si / ce  mouvement d’orgueil / national réussira à leur rendre / l’estime la considération des vainqueurs, mais / il a excité au plus haut degré / la colère du maréchal Paskewitsch. C’est depuis mon séjour en Pologne, / la première fois que je vois la / société s’élever à la hauteur de la dignité des / nobles des importants du Pays.
L’Empereur par sa conduite pendt son séjour à Varsovie, par le dédain qu’il a [pour]

Feuillet 2

[colonne ]
leurs personnes et pour leurs / intérêts a réveillé le sentiment / d’orgueil patriotique don je / n’avais aperçu que de rares / symptômes depuis mon séjour en / Pologne. La conduite de / S. M. Ile a donc été contraire / à son système politique.xxxxxxxxx / L’Empereur a donc servi son ressentiment et non / la Politique [>ajout marginal, infra]. xxxxxxxxxx   
je ne sais si xxxxxxxxxxx la vindicte Impériale / fera naitre dans les cœurs le sentiment / d’un désespoir énergique / ou celui du découragement, mais / les malheurs matériels du Pays en seront / certainement aggravés. On s’attendait / que les impôts seraient diminués, / les tarifs de douane entre l’Empire / et le Royaume abaissés, et surtout / que la capitation destinée à la / construction de la citadelle* qui est / achevée, serait supprimée : l’Empereur n’a rien accordé xxxxxx de sorte que le Pays s’appauvrit de plus en plus ; il entre m’a-t-on dit, plus de / 60 millions de francs annuellement / dans le trésor de l’Empire provenant des impôts Polonais. Cette exportation monétaire / qui pourrait être si heureusement employée aux améliorations intérieures / que le Pays réclame est une perte sans compensation.

[ajout marginal, colonne 2, suite de « la Politique » ?]
Qui serait je crois de calmer / les esprits au lieu de les aigrir. / Il a aigri augmenté l’aigreur des esprits.
Quoiqu’il en soit, /
le Pays n’en sera pas / mieux traité : on s’attendait à des dégrèvements d’impôts / à la suppression de la capitation / pour la construction de la / citadelle qui est construite, / à des aménagements xxxxxxxx nouveaux / pour les douanes, l’Empereur / n’a rien accordé : il est / impossible que cet état de choses / dure longtemps ; on m’a / affirmé qu’il entre annuellement / 90 millions de florins* (50 millions de francs) dans le / trésor Russe produits par le / surplus des impôts Polonais. Cette / exportation de numéraire est une perte sans compensation pour le / Pays.

Feuillet 3
Personne n’a osé lui parler / favorablement d’un Pays qui n’a
Les Personnes qui entourent / S. M. Ile n’osant point la / contrarier dans ses penchants / haineux pour la Pologne et le Mal Pask., dont l’influence le crédit / est très grand, ne fait qu’obéir / en présence de l’Empereur. Le / Mal est un homme de guerre / et n’a Je lui ai entendu dire / que la volonté de son maître / était pour lui un ordre du / ciel. Voilà, m le Cte, en / quelles mains est conduite / l’amon du Royme de Pologne, / avec des intentions / généreuses le Mal Pask. n’essayera jamais d’attirer / sur le Pays la clémence Impériale ; / il y serait disposé personnellement / qu’il en attendra les effets sans / les provoquer. Il n’y a donc / aucun espoir que les rigueurs / de l’oppression cessent. Quelques / faveurs particulières ne sont / point un adoucissement au / malheur général.
Un seul homme le Pce Kozloffski* a été assez / courageux pour conseiller l’amnistie ; mais il n’a cédé qu’à un mouvement / de conscience sans espoir de réussir.

[ajout en marge, perpendiculaire]
Quoique S. M. Ile ait témoigné sa satisfaction de la tenue xxxxxxx du chef du 4e Corps qu’Elle a passé en revue ; les / troupes sont loin d’être dans un bon état : les généraux Russes se montent la tête sur les mérites de leur / et cherchent à dissimuler par des éloges exagérés les vices et les faiblesses de les vices de son / organisation. La vénalité et les concussions des chefs de corps et des colonels surtout contribuent / à affaiblir laissent à peine au soldat la quantité de nourriture et les vêtements indispensables nécessaires pour / se préserver de la faim et du froid ; xxxxxxxxx le soldat est doux faible, maladif, épuisé par les xxxxxxx exigences minutieuses de la discipline et du service ; il obéit, sans autre sentiment que celui de la / crainte : la résignation lui tient lieu de courage. Et leur sort est en général si misérable qu’il / n’est pas rare de voir des soldats mendier. Les hôpitaux sont toujours encombrés ; les fièvres et les / ophtalmies emportent un grand nombre de soldats. Le 4e Corps, qui se compose de 40.000 hommes a actuellement / 7.000 malades, à cela on répond mal soignés livrés aux spéculations honteuses des administrateurs. A cela on répond / que la Russie est riche en hommes et qu’elle

Feuillet 4

Les arrestations continuent. /Les xxxxxxxx renfermés dans la / citadelle n’ont point été jugés : / on ignore même s’ils sont encore / emprisonnés ou s’ils ont été / envoyés au Caucase ou en Sibérie
Quelques indices feraient / supposer que S. M. l’Empereur / Nicolas reviendrait bientôt à / Varsovie : on a ordonné xxxx xxxxxx xxxxxxx des / chevaux de réquisition ont été commandés sur la / route que l’Empereur vient de parcourir / pour sortir du Royaume. »


Notes
*Anatole Brenier (1807-1885), consul de France à Varsovie de 1837 à 1841. Voir la page La représentation diplomatique de la France à Varsovie au XIXème siècle 
*Mathieu Molé (1781-1855), ministre des Affaires étrangères (et président du Conseil) du 6 septembre 1836 au 31 mars 1839
*l’Empereur Nicolas : Nicolas 1er (Nicolaï Pavlovitch Romanov, 1796-1855), tsar de Russie et roi de Pologne après la mort de son frère Alexandre 1er en 1825 ; couronné roi de Pologne en 1829 à Varsovie
*le Maréchal Paskewitsch : Ivan Paskevitch (Ivan Fiodorovitch Paskevitch, 1782-1856, en polonais Iwan Paskiewicz) ; militaire russe, nommé maréchal en 1829 après le traité d’Andrinople entre la Russie et la Turquie ; commandant de l’armée russe lors de la prise de Varsovie en septembre 1831 ; nommé vice-roi (en polonais : namiestnik) du royaume de Pologne (de 1831 à 1856) ; titré « comte d’Erevan », « prince de Varsovie »
*le jour de naissance / de S. M. Ile : le 6 juillet 1796 (selon le calendrier julien ; 25 juin selon le calendrier grégorien)
*la révolution : l’insurrection de 1830-1831
*la citadelle : construite à Varsovie dans les années 1830
*florin : nom utilisé à cette époque pour désigner le zloty
*le Prince Kozloffski : Pierre Kozlovski (Piotr Borisovitch Kozlovskiï/Пётр Бори́сович Козло́вский, 1783-1840), diplomate et homme de lettres russe ; en 1836, il est devenu membre du Conseil d’administration du royaume de Pologne (voir page 33)



Création : 8 décembre 2016
Mise à jour : 
Révision : 
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les archives du consulat de France à Varsovie (1828-1851)
Page : D58
Lien : http://archivesvarsovie18281851.blogspot.fr/2016/12/1838-07-consul-ministre-royaume-de.html



























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