jeudi 29 décembre 2016

D66. 20 septembre 1838 Lettre du consul au ministre (armée russe)

Lettre du 20 septembre 1838 du consul Anatole Brenier* au ministre des Affaires étrangères Mathieu Molé*, à propos de l'armée russe dans le royaume de Pologne


Classement : histoire des relations franco-polonaises ; documents
Thème : armée russe





Je transcris ci-dessous le texte d’un document du Centre des Archives diplomatiques de Nantes, inclus dans les archives du poste de Varsovie, fonds 722 PO/1, dossier 1 (1828-1838), soixante-sixième document.


Texte
Les sauts de lignes dans l'original sont indiqués par le symbole « / ».
Les astérisques sont des appels de notes.

« n° 21                                                                      20 7bre

Mr le comte
J’ai l’hr de transmettre à V Ex. / l’esquisse de plan de la citadelle de / Modlin* que je lui ai annoncé par / ma dépêche en date du 15 Août [ajout marginal, infra]. J’ai / cru devoir xxxxx sur le plan même / les détails sur la position et la force de cette citadelle.
[la suite barrée verticalement]
La citadelle de Modlin* qui xxxxxx les cours / de la Vistule et de la Narew* est très forte ; elle sert aujourd'hui de magasin pour / les approvisionnements de l’armée / d’occupation en Pologne* et d’une partie de l’armée active*. V Ex. connaît / déjà sans doute la position de ces / deux armées# : la 1ère qui se compose / du 4e Corps, dont l’effectif est de / 200.000 hommes est répartie de la / manière suivante le tablau ci-joint xxx / à Varsovie et banlieue 12.000 hommes
            Régiment d’infanterie
            Régiment de Hussards
            Régiment de Chasseurs
            Régiment d’artillerie
            Cosaques Tcherkesses
                  musulmans*
Les Renseignements que je me suis procuré / sur la position de l’armée dite active et / qui se sont dont l’effectif est, dit-on, de / 250.000 hommes, composant 4 corps, / lui donnant la répartition indiquée / au tableau n° 2*.
[fin de la barre verticale]
Je joins également ici un Etat / des forces militaires de la Russie

[ajout marginal 1]
Cette esquisse est fort imparfaitmt / dessinée mais elle a été prise sur les / lieux fort à la hâte ; il a été impossible / de perfectionner ce travail, les officiers / Russes ne laissant pas approcher de la / place d’autres individus que ceux qui / y ont un service Intérieur : xxxxx, / cependant xxx xxx l’ensemble de cette esquisse est cependant conforme à la réalité exact ; il a été xxxxx à / la hâte sur un plan du Génie militaires / Russe.

[ajout marginal #]
Elle est la même depuis 3 ans, sauf quelques / changements momentanés peu importants,

Feuillet 2

telles qu’elles étaient composées / au commencement de cette année. #[1]
L’armée Russe a conservé les / qualités et les défauts qui lui ont / été reconnus pendant les dernières / Guerres #[2]. Le soldat d’Infanterie est / bon, patient, et soumis à la discipline / mais il ne connaît  pas le sentiment / d’honneur et d’orgueil militaires. Son drapeau n’est qu’un point un / symbole, ce n’est pour lui qu’un / signe de ralliement : malgré / l’hygiène détestable au quel il est / soumis il supporte assez bien les / fatigues, mais dans aucun des / exercices militaires, il n’a l’élan / et la tenue vivacité de qui caractérise nos armées ; ses manœuvres sont précises et / on y reconnait encore la raideur / de l’ancienne discipline Allemande. Conduits par des officiers braves, et / expérimentés, on prétend que l’Infanterie / Russe serait la plus redoutable Infanterie des / armées Européennes ; mais les officiers / Russes ne sont braves ni par tempérament / ni par éducation. Ils se tiennent à / l’écart dans les engagements et / laissent les soldats à eux-mêmes ; / les officiers généraux surtout ont / par principe l’habitude de dépouiller / dans un jour de Bataille les insignes / de leur grade et de se tenir autant / que possible hors de la protée des projectiles.
La cavalerie est médiocre ; quoique / la race des chevaux soit excellente, l’Instruction des officiers est / si faible que les manœuvres de

#[1] j’ai lieu de croire ces renseignements / parfaitement exacts.
#[2] Elle a fait, depuis cette époque peu de / progrès excepté dans l’arme de / l’artillerie


Feuillet 3

cavalerie sont toujours lourdes et / embarrassées. Je fais exception de / la Cavalerie irrégulière composée de / Cosaques et de Tcherckesses (circassiens*), / dont les évolutions sont rapides ; autant mais il n’y règne aucun / ordre et cette arme ne saurait être / employée dans une bataille rangée. / elle sert d’éclaireurs et de fourrageurs.
L’artillerie est bonne en ce sens / qu’elle est bien monté et nombreuse, mais Le tir en est serait est, dit-on, peu / meurtrier : les pièces ne sont pas / servies avec rapidité et il s’y / mêle beaucoup de confusion à / leurs manœuvres par suite de / l’inexpérience des officiers et du / manque d’Instruction des Artilleurs. L’artillerie légère cosaque est / supérieure aux autres parties de / cette armée.
La force de l’armée Russe est / dont toute dans la docilité et l’impassibilité / du soldat ; sa faiblesse dans le / manque d’habileté et la prudence / personnelle des Corps d’officiers. Une / xxxxxxxxxxxxxx cause administrative contribue à / l’affaiblir, c’est la xxxxxxxxx concussion. Les Colonels des Régiments étant / à la fois chefs militaires et admtr / de leurs Régiments spéculent sur / la nourriture des hommes et des / chevaux d’une manière xxxxxx si / nuisible pour eux qu’il n’est / pas rare de voir des soldats / mendier dans les campagnes


Feuillet 4

xxxxxxxxxxxxxxxxx du pain. Il / est naturel que l’armée souffre / d’une de la mauvaise qualité des / vivres et des fourrages ; on attribue / à cette cause la proportion grande quantité / des maladies aux quelles le soldat  Russe est sujet. J’ai précédemt / dit je crois à V Ex. que  la proportion / des malades était, en général, de 1/8 sur. Si la conduite / des officiers (car tous partagent / proportionnellemt les bénéfices des / exactions exercées par les chefs) / si cette conduite pouvait avoir une / excuse on la trouverait dans / l’exiguïté de la paye allouée / aux officiers de tous grades. J’ai / l’hr d’adresser à V Ex. un / tableau de la solde des officiers* / de l’armée russe, elle y xxxxxxxxxxxxx /
reconnaîtra sans doute la cause / première des spéculations honteuses / dont chaque officier se rend coupable. / Le xx tolère cet état de choses, soit / parce qu’il ne peut l’empêcher / soit parce qu’il est xxxxxxxxxx plus / xxxxxx assuré de l’obéissance d’individus / compromis par des concussions et qu’il peut même / leur ôter l’Indépendance de la probité.
[mention en marge, perpendiculairement]
J’ai joint à cette dépêche les renseignemts qui me sont parvenus récemment sur les / Forteresses du Royaume, autres que Modlin. On m’a fait remarquer que c’était une faute de / tactique que de porter en avant de si grandes masses d’artillerie ; et d’établir, en cas de / guerre une première ligne d’opérations telle que Modlin, Varsovie*, Demblin*, et Brszec* ; sans / qu’elle soit soutenue dans l’Intérieur de l’Empire par une autre ligne aussi fort


Feuillet 5

[manque] »


Notes
*Anatole Brenier (1807-1885), consul de France à Varsovie de 1837 à 1841. Voir la page La représentation diplomatique de la France à Varsovie au XIXème siècle 
*Mathieu Molé (1781-1855), ministre des Affaires étrangères (et président du Conseil) du 6 septembre 1836 au 31 mars 1839
*la citadelle de Modlin : Modlin est un lieudit au confluent de la Vistule et du Narew, à 35 km au nord-ouest de Varsovie, fortifié pour la protection de cette ville à partir de 1806
*la Narew : le Narew, affluent de rive droite de la Vistule
*l’armée d’occupation en Pologne... l'armée active : le consul distingue les troupes chargées de tenir la population du pays et celles qui font partie du dispositif général de la Russie vis-à-vis des armées étrangères (« armée active »)
*Cosaques tcherckesses / musulmans : formulation peu claire ; a priori il ne s’agit pas de « Cosaques tcherkesses musulmans », mais plutôt de « Cosaques » et de « Tcherkesses musulmans » (cf. feuillet 3 « composée de / Cosaques et de Tcherckesses »). Les Tcherkesses habitaient une région située au nord du Caucase (le nom vient d’un mot turc repris en russe, Tcherkessia, mais dans leur langue les Tcherkesses/Circassiens se nomment Adygues) ; à l’heure actuelle, dans la Fédération de Russie ; ville principale : Krasnodar
*tableau n° 2 : absent du document
*circassiens : mot dérivé du nom latinisé des Tcherkesses
*tableau de la solde des officiers : absent du document
*Varsovie : dans les années 1830, une citadelle a été construite à Varsovie même
*Demblin : Dęblin, à 50 km au sud-est de Varsovie (ne pas confondre avec Demblin, aussi sur la Vistule, à 50 km au nord-est de Cracovie) ; la forteresse de Dęblin, aussi construite dans les années 1830, s’appelle Ivangorod (en polonais Iwanogrod)
*Brszec : il s’agit sans doute de l’actuelle Brest en Biélorussie, anciennement Brest-Litovsk (en polonais Brześć)




Création : 29 décembre 2016
Mise à jour : 
Révision : 
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les archives du consulat de France à Varsovie (1828-1851)
Page : D66
Lien : http://archivesvarsovie18281851.blogspot.fr/2016/12/1838-09-20-consul-ministre-royaume-de.html



























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