G4 Raymond Durand et l'insurrection polonaise de 1830-1831

Quelques informations sur Raymond Durand, notamment sur son attitude envers l'insurrection polonaise de 1830-1831


Classement : questions historiques ; relations franco-polonaises






Ceci est une annexe de la page Raymond Durand, consul de France à Varsovie (1826-1837), dans laquelle je présente les éléments biographiques le concernant.

Raymond Durand (1786-1837) est consul à Varsovie de 1826 à 1837, donc pendant la période révolutionnaire (aussi bien en France qu'en Pologne), des années 1830 et 1831. Son rôle durant cette période est évoqué, de façon souvent défavorable, par plusieurs sources.

Raymond Durand et la Révolution de Juillet
Dans son livre sur Chopin (L’Harmattan, 2005), Marie-Paule Rambeau écrit, à propos de la Révolution de Juillet 1830 et de la Pologne (page 182) :
« Le consul de France à Varsovie, Durand, refusa de se rallier au nouveau régime et demanda la nationalité russe. On étouffa l'affaire en le rappelant à Paris et le drapeau tricolore flotta sur le consulat de France, faisant "battre d'espoir, écrit Louis Blanc [...], le cœur des Polonais, nos anciens frères d'armes". »
L’auteur ne donne pas de référence à propos de cette affaire, mais, compte tenu de la formulation, son assertion se fonde peut-être elle aussi sur le livre de Louis Blanc, Histoire de Dix ans.
En tout état de cause, Raymond Durand est encore présent à Varsovie en 1831 et y reste en poste jusqu’en 1837, année de sa mort. Il aurait donc été rappelé en 1830, mais pour être rétabli ensuite : présentée telle quelle, l’anecdote n’est pas très claire.

Une piste dans le blog « De la note à la plume » :
« A partir de 1827, ce bâtiment [dans la rue Foksal] fut le logement du Consul français à Varsovie, Raymond Durand (1786-1837), un partisan du roi Charles X. Après le renversement du roi par la révolution de 1830 à Paris, Durand resta à Varsovie au service du nouveau roi, Louis Philippe.
 Cependant, durant un certain temps, son sort fut bien incertain. Dans une lettre à Tytus Woyciechowski datée du 22 septembre 1830, Fryderyk Chopin écrit même que Durand avait été révoqué et "voulait servir les Russes". »
Cette référence à la correspondance de Chopin reste à vérifier.


Raymond Durand et l’insurrection polonaise de 1830-1831
La nécrologie indique : 
« M. Raymond Durand se trouvait en cette ville quand éclata la mémorable révolution de 1831. Pendant tout le temps que dura cette lutte terrible, il ne quitta point le théâtre des événements. Placé dans la position la plus délicate, il se trouva d’abord en butte aux préventions les plus injustes, et la tribune de la Chambre de députés devint bientôt l’écho des attaques qui avaient retenti à la diète de Pologne ; mais on ne tarda pas à reconnaître que plein d’une sympathie éclairée pour une nation malheureuse, il avait obéi à un devoir impérieux, en refusant d’entretenir de funestes illusions par un langage opposé au rôle de neutralité que lui prescrivaient ses instructions. M. Durand donna, dans cette importante mission, des preuves non équivoques d’une haute capacité, et s’attacha à faire connaître au gouvernement, sous leur jour véritable, les phases diverses de la révolution dont il était témoin. »

Il est mentionné à ce sujet dans différents ouvrages (présentés dans l’ordre chronologique de publication) :

1) Etienne Cabet, Histoire de la Révolution de 1830, Paris, 1832
A cette époque, Cabet n’est pas encore le prophète de l’utopie icarienne ; il a soutenu la Monarchie de Juillet à ses débuts, mais s’est rapidement placé en position d’opposant ; il a été élu député de Côte-d’Or en mai 1831.
Dans le tome 2 de cet ouvrage, se trouve un chapitre consacré à l’insurrection polonaise (pages 41 à 107).
Raymond Durand y apparaît à plusieurs reprises, notamment page 73 (disponible en ligne), dans une évocation de la séance de la Chambre les 27 et 28 janvier 1831 :

« « On parle, dit Sébastiani*, de papiers saisis à Varsovie ; nous n’en avons aucune connaissance, et pourtant nous avons à Varsovie un consul qui entretient avec nous une correspondance régulière et active. »
Eh bien ! votre consul carliste* vous trahit ; vous deviez le prévoir ; on vous l’a dit ; vous le savez, et vous le conservez !!... *»
Notes
*Sébastiani : Horace Sébastiani (1772-1851), ministre des Affaires étrangères du 17 novembre 1830 au 11 octobre 1832 ; c'est lui qui déclare le 16 septembre 1831 « [en ce moment], la tranquillité règne à Varsovie »
*carliste : signifie ici partisan de Charles X (de France)
*Cette phrase est une intervention à l’écrit de la part de Cabet, présentée comme une intervention orale en réponse à la déclaration de Sébastiani.


2) Jules Poulain, Un épisode de l’insurrection de Pologne 1830 à 1832, Paris, 1839
Jules Poulain est un industriel (filateur), d’une grande famille d’entrepreneurs du Nord-Est, qui a séjourné assez longtemps en Pologne autour de 1830.
Pages 79-80 (disponibles en ligne), il écrit

« Page 79

Dès que M. Laffitte* m’eut assuré que les renseignements que le gouvernement français avait reçus étaient différents des miens, je cherchai à lui prouver que la source en était infidèle. En effet, pendant mon séjour en Pologne, sous le régime de Constantin, depuis la révolution de juillet, je m’étais convaincu que M. Durand, notre consul à Varsovie, n’avait vu dans l’insurrection de la Pologne qu’un faible ébranlement, une sorte de contre-coup d’une de ces fortes commotions qui éclatent au loin. Peut-être avait-il été dirigé dans ses relations avec le gouvernement par des sentiments personnels ! Dans le premier cas, il jugeait les événements comme un homme à court-vue ; dans le second, il était de mauvaise foi : peut-être ne serais-je pas injuste si je le peignais sous ces deux couleurs. Je suis forcé de dire ici que ce consul, repoussant toutes les instances des Français résidant à Varsovie, ne voulut jamais arborer devant son hôtel les couleurs nationales, et qu’à mon départ de Varsovie,

Page 80

Plusieurs mois après la révolution de juillet, le drapeau tricolore n’y flottait pas encore, malgré le mécontentement marqué d’une grande partie de la population.
Il ne cachait point d’ailleurs ses opinions, et parlait d’autant plus ouvertement des événements politiques, qu’il attendait de jour en jour son changement. Le gouvernement français crut devoir le maintenir à son porte : mais ce qu’on regardait comme un acte de condescendance pour Nicolas* produisit dans les esprits de très-fâcheux effets ; on semblait prouver qu’on ne considérait les journées de juillet que comme une révolution de palais, une substitution de nom ; c’était un des ressorts usés de la grande machine gouvernementale qu’il fallait remplacer par un ressort nouveau d’une meilleure trempe. »
Notes
*M. Laffitte : Jacques Laffitte (1767-1844), président du Conseil (et ministre des Finances) du 2 novembre 1830 au 13 mars 1831
*Nicolas : le tsar Nicolas 1er


3) Louis Blanc, Histoire de Dix ans 1830-1840, Paris, 1842-1844
Tome 2, page 178 (disponible en ligne) :

« Quelque temps après le 29 novembre, un membre de la diète eut une entrevue avec le consul français. « Que devons-nous attendre des sympathies du gouvernement de juillet ? demanda M. Biernacki. – Rien, répondit froidement le consul. – Mais si la fortune nous secondait, si nos succès venaient prouver à l’Europe tout ce qu’il y a d’énergique dans notre vouloir et de sérieux dans notre affranchissement ? –Je  vous répète, monsieur, que vous n’avez à espérer du cabinet que je représente ni encouragement ni appui. – Vous chargez-vous, au moins, d’être notre intermédiaire auprès de votre gouvernement ? – Non, monsieur. – De lui faire tenir nos dépêches ? [ – ] Elles seront ouvertes et lues par l’Autriche. – Que doit donc, selon vous, faire la Pologne ? – Se soumettre. » M. Biernacki se retira plein de surprise et d’indignation.
Ainsi se vérifiait déjà, pour la Pologne, grâce à l’égoïsme des gouvernements, cette populaire et touchante formule de son désespoir : « Dieu est trop haut et la France trop loin. » »


4) François Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, Paris, 1858-1867
Dans le tome 2, page 280 (disponible en ligne), Guizot écrit :

« Dès les premiers jours de l’insurrection, le consul de France à Varsovie, M. Raymond Durand, déclara à plusieurs membres de la diète qu’ils ne devaient attendre de son gouvernement ni encouragement, ni secours. »


Conclusion provisoire
Il semble établi que Raymond Durand a soutenu la politique de non-intervention en Pologne qui était celle du gouvernement de Louis-Philippe.
En revanche, les points suivants restent à éclaircir : 
*s'est-il manifesté comme opposant à la Révolution de Juillet ? 
*en particulier, a-t-il refusé d'arborer le drapeau tricolore ?
*a-t-il pactisé avec les autorités russes de Pologne, notamment avec Constantin ?

Une référence bibliographique importante
*Robert Bielecki (éditeur), Depesze z powstańczej Warszawy 1830–1831: raporty konsula francuskiego w Królestwie Polskim [Dépêches depuis Varsovie insurgée 1830-1831: rapports du consul de France dans le royaume de Pologne], Varsovie, Czytelnik, 1980



Création : 30 septembre 2016
Mise à jour : 3 mai 2017
Révision : 




























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